Zai zai zai zai

La quatrième de couverture de l’édition 10/18 propose timidement une citation prise d’un article du magazine Elle, bien que Le club des policiers yiddish ait obtenu des prix prétigieux, comme le Hugo, le Locus et le Nebula. Peut-être est-ce pour ne pas effrayer le lectorat qui pourrait, par réflexe, fuir ce polar teinté d’uchronie. Michael Chabon plante en effet un décor inattendu: le peuple juif, chassé du moyen-orient, trouve en partie refuge en Alaska. A défaut d’y trouver une terre bien à eux, les juifs d’Europe de l’Est en exode profitent de la générosité du président Franklin D. Roosevelt, à qui ils doivent la concession de territoires dans cette région rude et lointaine. Mais cette concession, au moment des événements, approche dramatiquement de son terme.

Meyer Landsman représente pour son peuple un marginal. Athé, Meyer se trimballe une haleine lourde d’alcool ainsi que son seul compagnon, un autre yid en décalage, Berko Shemets, son coéquipier et cousin. Et Meyer se trimballe aussi une sale embrouille à élucider: le meurtre d’un junkie dans un hôtel minable du district de Sitka, dans sa chambre, quelques étages plus bas de celle de Meyer, en fait, qui crèche également dans l’hôtel depuis son divorce. Et pour clore le tableau, Meyer reste incertain quant à son avenir, car la rétrocession des territoires d’Alaska aux Etats-Unis n’augure pas des lendemains qui chantent. Dur d’être un Yid dans ces conditions.

La force de ce livre est, vous l’aurez probablement compris, le mélange de science fiction et de polar particulièrement ingénieux et maîtrisé par l’auteur. Le polar domine cependant l’ensemble, l’uchronie sert de toile de fond, elle instaure une atmosphère particulière, assez subtile, richement agrémentée de termes yiddish qui renforcent l’immersion. A ce sujet, le livre est agrémenté d’un lexique, utile ou irritant selon les goûts. Personnellement, je ne suis pas un adepte des lexiques auxquels il faut se référer à chaque paragraphe, alors je ne l’ai consulté qu’en de rares occasions car, au final, la grande majorité de ces termes yiddish reste compréhensible grâce au contexte.

Pour conclure, je ressors ravi de cette lecture. Ravi car Le club des policiers yiddish est captivant, et ravi de découvrir un auteur capable d’approcher la science fiction intelligemment, de l’utiliser pour sortir des carcans, pour explorer, pour proposer autre chose aux lecteurs. Une approche qui n’est pas sans rappeler certaines pointures comme Philip K. Dick (sans le comparer pour autant à Michael Chabon), qui disait de sa science fiction qu’elle cherchait à répondre à la question, l’estomac noué: « Oh mon Dieu, et si…? »